vite, il faut se dépêcher !!!
Au cours des années 1920, Constantin Brancusi instaure un dialogue fécond entre sa production sculptée, la photographie et le film. Sur les conseils de Man Ray, il entreprend de réaliser des photographies de ses sculptures et peu après, de les filmer.
À travers un ensemble exceptionnel d'une centaine de photographies et de films inédits, l'exposition montre, pour la première fois, sa production photographique et cinématographique en explorant les divers aspects de cette relation.
Mieux que tout autre artiste de sa génération, Constantin Brancusi a pleinement conscience de la révolution que les procédés de reproduction analogiques, film et photographie, allaient accomplir sur la perception de l'oeuvre d'art. L'artiste entreprend de rechercher la vérité même des oeuvres reproduites - le dynamisme, l'énergie et les vibrations qui s'en dégagent.
Jeux détonnants sur la lumière et les matériaux, sur le mouvement et sur le cadrage, essais innombrables sur les multiples états possibles d'un même cliché et d'une même oeuvre, allers-retours incessants entre l'image animée et l'image arrêtée, contribuent à la construction d'un regard singulier sur ses productions sculptées.
Par delà la saisie de ses sculptures, ces préoccupations se retrouvent pleinement exprimées dans le reste de sa production filmique et photographique encore peu étudiée - films de voyage, photographies d'amis dans l'atelier, de modèles dansant parmi ses sculptures, essais expérimentaux divers… Constantin Brancusi a, par le prisme de l'enregistrement analogique, accompli une métamorphose profonde de ses oeuvres, les révélant sous un jour nouveau.
Ses photographies semblent avoir joué un rôle essentiel dans ses recherches plastiques. Le sculpteur Constantin Brancusi (1876-1957) a beaucoup photographié son oeuvre. Cette constatation amène l'auteur à proposer une vision renouvelée de l'oeuvre sculpté de l'artiste, mais aussi à reconnaître en lui un novateur en photographie. D'abord cantonnées dans le rôle de simples représentations de ses oeuvres, destinées à informer des amateurs lointains, les photographies prises par Brancusi assument peu à peu une fonction plus active : saisir au vol des assemblages passagers de socles et de sculptures, des rencontres éphémères entre telle et telle des figures qui peuplent ce théâtre qu'est aussi l'atelier, dont le sculpteur est le metteur en scène. L'ouvrage, dans un premier temps, s'attache à restituer cette utilisation de la photographie par l'artiste. Mais Brancusi attribue à la photographie une mission véritablement révolutionnaire à partir du moment où son désir croissant délévation le contraint à vouloir « pénétrer dans le Royaume des cieux », à chercher à créer des formes visibles, donc finies, débouchant sur l'infini, et par conséquent invisibles, immatérielles. Cet objectif, par définition interdit à la sculpture, il demande à la photographie de l'aider à l'atteindre. S'appuyant sur les propos de l'artiste, l'auteur décrit cette ascension spirituelle menée en bois, en pierre ou en métal, comme un combat entre la part terrestre et la part céleste. Ce combat se donne à voir à travers la confrontation des socles et des statues. Ce corps à corps aux fortunes changeantes entre le haut et le bas ne suffit pas, cependant, pour étancher sa soif d'absolu, d'infini. Aussi les Colonnes dites par lui sans fin portent-elles la confrontation à une plus grande hauteur en reprenant à leur compte le modèle médiéval de l'Echelle céleste de Jean Climaque, lui-même dérivé de l'Echelle de Jacob. L'infini, ou Dieu, reste néanmoins hors d'atteinte. La photographie, espère Brancusi, lui apportera le signe visible de la présence autrement invisible de l'infini. Et ce sera effectivement le cas, comme le démontre une poignée de clichés qui, selon la formule d'Ezra Pound parlant ici pour Brancusi, « touchent le ciel ». Cela est dû au fait que Brancusi a découvert que la photographie, tout comme sa proche parente, la peinture, possède le don de montrer non seulement les figures finies, mais le fond infini. En effet, si la volonté du photographe n'accède qu'aux figures, le fond de l'image appartient à l'autre opérateur de toute photographie : le hasard. Or la photographie emboîte, dès sa naissance, le pas à la peinture, laquelle, pour sa part, ne s'était pas encore libérée de l'esthétique de la Renaissance fondée sur la perspective et s'appliquait toujours à bannir le fond de l'image en le cachant sous des arrière-plans. Brancusi est le premier (seul son contemporain Bonnard pourrait lui contester ce rôle de pionnier) à libérer le fond en rendant à l'image photographique son co-auteur légitime, naturel, cet autre opérateur possible de toute photographie : le hasard, maître du fond, à un moment donné. Et c'est pourquoi ces photographies-là ne représentent pas ses sculptures, mais en font partie. Elles les achèvent. L'essai de Pierre Schneider est abondamment illustré de reproductions d'oeuvres de Brancusi, mais aussi et tout particulièrement de photographies prises par l'artiste illustrant les usages variés auxquels il destinait celles-ci dont la majorité (tirées pour la première fois à partir de plaques originales).
Brancusi a été l’assistant de Rodin. Rodin c’était le dieu créateur qui modelait la terre et donnait vie à ses statues. Brancusi, même s’il admire le maître n’est pas à l’aise avec cette idée du sculpteur tout puissant. Pour lui le sculpteur n’est que le révélateur de « l’essence cosmique de la matière ». Quand il choisit son bloc de pierre ou de bois, Brancusi ressent par avance la présence de la sculpture. Sur un des films de l’exposition on le voit au travail, taillant dans la pierre et révélant la sculpture. C’est une sorte d’accoucheur !
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