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lundi 28 octobre 2013

La nuit des forains

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La Nuit des forains est l’admirable description du monde des artistes ambulants, et à chaque instant éclate l’amour du cinéaste pour les acteurs, le théâtre, la scène. Ces scènes que l’on retrouve de film en film, scènes miniatures de théâtres de marionnettes, scènes où se déchirent et s’aiment les acteurs. Ces acteurs, ces artistes, qui peuplent le monde de Bergman, sont à la fois les gens les plus durs et les plus sincères, et ce malgré les artifices qu’ils déploient. C’est d’eux que surgissent les vérités les plus crues, les plus violentes. L’Artiste dit la vérité en vivant dans un monde de mensonges. Mais à trop vivre dans le simulacre, l’imitation, si l’artiste est le seul à même de faire surgir la vérité, souvent il se perd en route, s’efface, disparaît. Pour se retrouver, s’aimer à nouveau, Alberti et Anna doivent cesser de jouer un rôle afin de se redécouvrir l’un l’autre, de se redécouvrir eux-mêmes. Pour cela il faut scruter les miroirs pour retrouver son image, son corps, sa substance. Chercher son reflet dans l’eau qui irrigue tout le film, rivière, océan, pluie, ruissellement des caniveaux. Quitter l’espace de la scène pour rejoindre le public et se contempler, d’où le jeu constant de Bergman sur la place du public, sur la représentation, qui marque chacun de ses films.















 La Nuit des forains, c’est la rencontre de Bergman avec celui qui deviendra son chef opérateur attitré, son plus proche collaborateur, l’immense Sven Nykvist. Le style Bergman va alors pouvoir se déployer pleinement, Sven Nykvist offrant son œil et son génie de la lumière aux visions du cinéaste. Après des années d’une photographie marquée par l’influence de ses aînés scandinaves (Sjöström en premier lieu), Bergman peut enfin marquer de son propre sceau l’histoire du cinéma. Des années de mise en scène théâtrale lui ont donné un sens de l’éclairage et de la composition hors du commun (à l’image de Kazan). Bergman privilégie avant tout les éclairages, considérant qu’ils sont déterminants aussi bien au cinéma qu’au théâtre. Nykvist comprend presque instinctivement les vues de Bergman et sait leur donner corps, une véritable osmose entre deux artistes de génie
(Gycklarnas Afton). Avec : Ake Gronberg (Albert Johansson), Annika Tretow (Agda, la femmme d'Albert), Harriet Andersson (Anne), Anders Ek (le clown Frost). 1h33.
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La Nuit des forains n’est que le balbutiement d’une longue collaboration, on trouve, comme dans la séquence du Clown Frost, des expérimentations formelles audacieuses. Dans cette scène de flashback, Nykvist et Bergman n’hésitent pas à aller à l’encontre des canons communément admis en surexposant à outrance les extérieurs. Première étape d’une longue et inlassable série de recherches formelles visant à donner corps à l’univers du cinéaste. Car pour Bergman, la lumière éclatante d’un soleil du nord qui ne se couche plus, exprime les pires angoisses. C’est la lumière des cauchemars. C’est celle irradiante dans laquelle Frost est englouti par la honte.

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