Articles les plus consultés

jeudi 11 octobre 2012

Henri Bauchau, presque un siècle traversé !

L’écrivain Henry Bauchau est décédé 

Henry Bauchau est décédé, il avait près de 100 ans. Écrivain, poète et psychanalyste, il avait accordé au Magazine Littéraire un entretien à l'occasion de la sortie de Présent d'incertitude, cinquième tome de son journal. Parcours d'une oeuvre à la croisée de la mythologie et de la psychanalyse.


“L’histoire du monde serait plus juste si l’on tenait compte de l’histoire des dormeurs et de leurs songes”

Henry Bauchau Exposition bruxelles Endevia

http://bauchau.fltr.ucl.ac.be/ , sa fondation avec archives, et prix "henri bauchau"




Henry Bauchau en 2008. © Stéphane Lavoué / MYOP pour Télérama


Avec son dernier roman publié, L'Enfant bleu , il a quitté l'Antiquité pour suivre le long travail de Véronique, une psychothérapeute : en utilisant le mythe du labyrinthe où Thésée se résout à tuer le Minotaure et en révélant à Orion ses capacités artistiques, elle permet au jeune psychotique d'échapper à la fatalité pesant sur le « peuple du désastre » comme autrefois Henry Bauchau, psychanalyste, a guidé Lionel, adolescent en grave difficulté, vers le dessin et la peinture qui lui ont donné sa place dans la société
.

Avec L’Enfant rieur, oeuvre en prose atypique, Bauchau plonge dans les ombres qui obscurcissent sa vie depuis ses origines, résonnant toujours de souffrance, d’insatisfaction et de culpabilité, malgré tant d’années vouées à la psychanalyse, au soulagement des autres, à l’amour de ses enfants et de Laure, mais aussi à l’assemblage des «mots comme des fleurs, des plantes, non comme des idées» et à l’interrogation lancinante du Dieu chrétien. Bauchau braque aujourd’hui sur ses souvenirs une lumière crue, traquant une vérité dépouillée de tout désir de plaire, s’interdisant les poses de l’écrivain rédigeant son journal et repoussant les défenses construites pour rendre audible le récit du roman familial. La couverture de L’Enfant rieur porte la mention «récit». Le «je» y alterne avec le «il» pour désigner le «personnage», qui ne s’abrite derrière nulle transposition des noms, des dates ou des lieux. Le livre s’ouvre avec l’interdit que la guerre fait peser, dès l’âge de 3 ans, sur Henry, désigné par son frère Olivier comme «l’enfant du miracle» pour avoir survécu deux ans plus tôt à l’incendie de Louvain. «Au lieu de continuer à rire, il a été forcé dès sa petite enfance de vivre la haine. Il ne voulait pas ça.» Il ne s’en est jamais remis.
L’enfance et l’adolescence qui suivent ces événements fondateurs résonnent de l’étrangeté d’un monde disparu ; le père dispose sur sa famille d’un pouvoir écrasant, et il est essentiel de lui «complaire» dans le cadre d’une éducation bourgeoise empreinte de catholicisme ; à l’armée, l’aptitude à monter à cheval demeure un critère essentiel pour ne pas risquer l’opprobre.
L’échappée dans l’imaginaire, le passage de femmes bénéfiques - Mérence, puis Clémence -, le refuge dans la maladie, puis le dépassement dans le sport permettent au jeune Henry de franchir bien des obstacles. Ses amitiés de jeunesse sont fortes. Il reconnaît le caractère manipulateur de Raymond, un des penseurs de l’Action catholique. Il clarifie sans faux-semblants sa relation avec Théo : «Moi qui suis attiré par les jeunes filles et par les femmes, j’aime un garçon, et lui m’aime aussi. Hélas ! Il y a une grande différence : Théo est homosexuel, et je ne désire pas l’amour physique avec lui. [...] Je rencontre enfin un amour partagé et je dois m’en défendre.» La rencontre avec Mary, une jeune femme russe rapidement enceinte, qu’Henry épouse sans l’accord de ses parents, est l’occasion de bien d’autres frustrations, drames et tourments, mais aussi des pages les plus étonnantes du livre, où la colère et le désespoir vibrent au présent. Toute mise à distance mais aussi toute poésie dans l’expression sont bannies. Ne résonnent plus que des sons criards et des phrases pleines de fausses notes.
L’éternel retour se met en place. L’auteur ne l’analyse pas. Il laisse parler les faits. L’enfant venu en second est frustré de l’amour de sa mère, accaparée, selon lui, par Olivier, l’aîné, le préféré. Il éprouve ensuite la même impression face à l’attitude de son épouse envers son fils cadet, Patrick, qu’il protège.
Pendant ce temps, l’entreprise de violence et de terreur du «démon» Hitler progresse. L’enfant rieur, que la guerre précédente a condamné à la tristesse, ne parvient pas à devenir un homme d’action salvateur, et il ressent la capitulation du pays comme la sienne. Il la ressent encore. Mais il ne renonce pas à ce qu’exprime un poème magnifiquement intitulé «Il n’est pas permis d’être vieux» : «Nous venons, nous partons en état d’ignorance/Le dialogue des monts et des eaux printanières/Va nous précipiter dans la métamorphose.»

 







 

Entre écriture, enseignement et psychanalyse


Il s’installe alors en Suisse, à Gstaad, et dirige établissement d’enseignement privé. Il écrit sa première pièce, Gengis Khan. Elle sera mise en scène par Ariane Mnouchkine en 1961, puis en 1988 par Jean-Claude Drouot au Théâtre national de Bruxelles.

A partir de 1975, Henry Bauchau habite de nouveau Paris et alterne ses activités professionnelles : il est psychothérapeute auprès d’adolescents en difficulté et il est également chargé de cours à Paris VII. Il enseigne les rapports entre l’art et la psychanalyse. En parallèle, il continue ses travaux d’écriture. En 1982, il publie l’Essai sur la vie de Mao Zedong qui lui a demandé de nombreuses années de travail. Il est salué du Prix quinquennal de littérature en 1985 pour l’ensemble de sa carrière.

Il entame alors son cycle mythologique avec Œdipe sur la route (1990), puis Diotime et les lions (1991) et Antigone (1997). En parallèle, Henry Bauchau publie son Journal d’Antigone (1989-1997) qui permet de comprendre comment il mêle la poésie, les rêves, l’inconscient et l’écriture.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire