Coastline 2010 © Xiao Zhang

Sur le chemin de Tepeyac © Alinka Echeverria

Alors voilà, vous êtes assise devant une table, plutôt un bureau, de taille imposante, pour pouvoir déposer 625 dossiers. Bien organisée, vous faîtes des piles de 25 , ce qui nous donne 41 colonnes à répartir sur une surface de 2,2 m par 0,8 m, les piles doivent être bien stables sous peine de catastrophe irréparable (les images se regrouperaient alors de manière aléatoire et formeraient des sujets polyphoniques). L'air est pur, une légère brise vous porte sur un océan d'images. Vous tirez un premier bord sous spinaker et une première sélection naturelle réduit la distance qui vous amènera à bon port, c'est à dire vers cette archipel de 12 îles aux charmes certains. Le plateau du bureau s'éclaircit, malgré tout l'horizon est encore bouché, il vous reste 41 colonnes de 8 dossiers (tout de même 328 regards sur le monde !). Vous vous appelez Agnès Sire , amiral de la Fondation Cartier-Bresson, les parcours océannique, les courses au grand large, vous connaissez. Il est temps de mettre plus de voile dans la mature, affuter le regard et tirer un deuxième bord, la gîte est bonne, les assistants sont au rappel. Vous aimez la photographie, pas celle du commandant Cousteau, malgré votre admiration pour les bans de corail. Non, cette photographie qui raconte le monde, cet océan des possibles, des vagues déferlantes de destins incroyables, la chine en ébullition, les licenciements en augmentation, le nanisme en Afrique et toujours la Palestine. Vous aimez ces vols d'étourneaux comme des cartes du ciel qui aident votre navigation nocturne. Et le noir et blanc déchirant, ces lumières du grand nord, ces petits riens décrits avec finesse. Les alizés sont enfin arrivés, la mer est calme, le plateau dégagé. Ne reste en vis à vis que douze dossiers, douze regards singuliers, douze perles dans un océan d'images.

Bertrand Desprez

Prix HSBC pour la Photographie

Et les deux lauréats sont Alinka Echeverria et Xiao Zhang !! deux magnifiques photographes aux écritures opposées mais racontant à leur manière le destin d'une humanité en plein questionnement...

XIAO ZHANG

La Chine offre 18 000 kilomètres de côtes, entre l’estuaire du fleuve de Beilun au sud et celui deYalu au nord. Ces rivages sont les “fenêtres de la Chine” sur le monde extérieur. Ils sont aussi le lieu d’une urbanisation galopante, plus encore que dans le reste du pays. Ces bords de mer sont l’objet d’un rêve pour de nombreux chinois qui quittent les campagnes pour y arriver en masse, pensant y trouver du travail et une vie plus facile. Xiao Zhang nous livre une dérive étonnante le long de la côte. Il la décrit comme “belle et douloureuse”. On y voit les vacances, les mariages, les déchets, la solitude, une Chine

intime et contemporaine sans aucune facilité exotique. Ce jeune artiste chinois, déjà remarqué en Chine pour son travail au Three Shadows Photography Art Center, est fasciné par la mer depuis son enfance ; il y cherche une «résidence pour son âme» et parvient à saisir, dans cette errance au fil de l’eau, des images extrêmement fortes d’une Chine à la croisée de deux mondes

Texte d’Agnès Sire, conseiller artistique 2011

Xiao Zhang est né en 1981 et vit à Chengdu en Chine, après avoir suivi des études d'architecte, il se tourne vers la photographie

coastline 2010 © Xiao Zhang

ALINKA ECHEVERRIA

Chaque année, six millions de pèlerins cheminent vers la basilique de la Guadalupe près de Mexico. Construite au XVIIe siècle sur les ruines du temple de Tepeyac, ancien lieu sacré de la déesse aztèque Tonantzin, cette église symbolise le passage des anciennes civilisations vers la colonisation espagnole. La Vierge y fit plusieurs apparitions et son image est devenue extrêmement importante pour les mexicains. Lors de ce pèlerinage, les fidèles décrochent la représentation de cette Vierge qu’ils ont chez eux, et la transportent sur le lieu saint pour qu’elle y soit bénie. L’approche de Alinka Echeverria, jeune artiste mexicaine en résidence à l’Ecole d’Arles cette année, est exemplaire : 300 pèlerins ont été photographiés cheminant avec leur trophée, puis détourés pour que ne reste qu’une silhouette de dos avec son précieux fardeau. Santons sans visages, mannequins occasionnels ou simples voyageurs porteurs d’un vaste écusson? Nul ne sait s’il n’est informé, car la dé-contextualisation voulue par l’auteur permet de s’attacher aux attitudes individuelles, à ces corps porteurs non pas d’une pénible et lourde croix mais d’une Vierge vénérée. L’accumulation des personnages, la beauté et l’étrangeté de leur harnachement, constituent une série exceptionnelle qui permet de visualiser la démesure de cette croyance, la beauté du geste et sans doute la métaphore du surréalisme mexicain.

Texte d’Agnès Sire, conseiller artistique 2011

La fondation est un formidable tremplin pour un photographe. J'ai eu la chance d'être lauréat dans les premières années, le nombre de dossiers n'étaient pas aussi important. La notoriété du prix n'étant plus à faire, une nouvelle dimension internationale lui donne une nouvelle visibilité en primant pour la première fois un photographe chinois et une photographe mexicaine. Ces deux travaux sont exceptionnels et j'attends avec impatience la sortie des monographies chez Actes Sud.

Lauréats par année[modifier]
1996 : Éric Prinvault et Henry Ray
1997 : Bertrand Desprez et Jean-François Campos
1998 : Milomir Kovačević et Seton Smith
1999 : Catherine Gfeller et Yoshiko Murakami
2000 : Carole Fékété et Valérie Belin
2001 : Jo Lansley, Helen Bendon et Franck Christen
2002 : Laurence Demaison et Rip Hopkins
2003 : Laurence Leblanc et Mathieu Bernard-Reymond
2004 : Patrick Taberna et Malala Andrialavidrazana
2005 : Eric Baudelaire et Birgitta Lund.
2006 : Christophe Clark, Virginie Pougnaud, Marina Gadonneix
2007 : Julia Fullerton-Batten et Matthew Pillsbury
2008 : Aurore Valade et Guillaume Lemarchal
2009 : Matthieu Gafsou et Grégoire Alexandre
2010 : Laurent Hopp et le duo Lucie & Simon

Je parlerai brièvement d'un nouveau projet, initié l'année précédente par Chantal Nedjib, Christine Raoult et toute l'équipe de la fondation HSBC pour l'éducation. Des ateliers photographiques ont été organisés dans le cadre du projet "Déclics et des classes" dans différentes écoles et collèges, encadrés par d'ancien lauréats et le résultat projetés aux Rencontres d'Arles à démontré tout l'intérêt de construire des passerelles entre le système éducatif et le monde de l'image. Merci pour cette très belle initiative.