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samedi 29 janvier 2011

La mort et alors..

Oncle Roland  © bertrand desprez
 Mourir, ce n’est rien. Commence déjà par vivre. C’est moins drôle et c’est plus long.
Jean Anouilh
Il ne fait aucun doute qu’il existe un monde invisible. Cependant, il est permis de se demander à quelle distance il se trouve du centre ville et jusqu’à quelle heure il est ouvert.Woody Allen




Mortelle randonnée, et oui l'issue est connue et impossible de l'éviter. Des aprentis sorcier trouveront peut être le secret de l'éternité mais ce ne sera pas accessible au commun des mortels ! Seul quelques dieux vivant, Michael ou Zinedine seront élus...Alors avant toute anticipation péremptoire et devant ce chemin sinueux, vie et virages, détours et raccourcis, regardons la mort en face. Curieuse rencontre.
Mort à crédit, "suicide allée" dans l'Incal de Moebius ou euthanasie d'une fin annoncée. Attentat, guerre, glissement de terrain ou tremblement de terre. La mort est omniprésente sans vraiment être apparente. Décalage des images projetées, télévision ou cinéma, mouroir en retrait et crémation en zone industrielle. Que sont devenues les veillées où la mort avait un espace pour exprimer les rires comme les douleurs. 
Photographier les morts comme les vivants pour clore le récit, point d'honneur à s'effacer en image .
Certains photographes se sont engouffrés dans cette voie du silence, comment éclairer la mort ?
Je me souviens d'un magazine littéraire illustré par les photographies de Rudolf Schafer. La sensation intime d'apaisement m'avait profondément touché, une paix intérieure ? 
Ce premier tour d'horizon permet de voir les différentes interprétations de la mort par des artistes , des écrivains, des musiciens, des auteurs de livre  jeunesse, toute remarque sera appréciée pour un nouveau chapitre...
Oncle Roland © berttrand desprez

Oncle Roland © bertrand desprez

Oncle Roland © bertrand desprez


Au moment ou des questions quotidiennes sont posées tant par rapport au vieillissement de la population, de la gestion d'une fin de vie, des suicides un peu trop banalisé, il m'a semblé intéressant de parler de la mort.


Un été à Paris © bertrand desprez 

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Rudolf Schafer : http://blog-dominique.autie.intexte.net/blogs/index.php/all/2005/08/22/de_la_necessite_de_vetir_les_morts
schafer
© rudolf schafer
Rudolf Schäfer, Der ewige Schlaf: Visage de morts
© rudolf schafer
http://blog-dominique.autie.intexte.net/blogs/index.php/all/2005/08/22/de_la_necessite_de_vetir_les_morts
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André Serrano :


 “Les cadavres photographiés ne représentent pas la mort mais bien au contraire. Ils sont très présents, presque vivants. (…) La chair se ressent. D’ailleurs, dans la plupart des photographies, la couleur spécifique de la mort n’est pas encore visible. J’ai cherché avant tout à trouver la vie dans la mort.”

morgue(fatal meningitis II)
The Morgue (Fatal Meningitis II), 1991, Courtesy de la Galerie Yvon Lambert
morgue(heart failure I)
The Morgue (Heart Failure I), 1991, Courtesy de la Galerie Yvon Lambert

Cette fascination pour la représentation de la mort était présente dans le Romantisme au XIXe siècle, et notamment chez Géricault. Évoquons aussi les portraits mortuaires de cette époque qui consistaient à prendre les défunts vêtus de leurs plus beaux atours sur leur lit de mort juste avant l’inhumation. Serrano a pu s’introduire dans une morgue et y travailler. Il a essayé de respecter l’intégrité des modèles tout en s’assurant que leur identité demeurerait secrète. C’est pourquoi les photographies ont toutes des cadrages très serrés, il n’y a aucune vue d’ensemble. Le mystère de leur mort reste donc intact.
Il décide de montrer la mort au plus près, prenant ainsi le contre-pied de la pensée occidentale, pour qui la mort est devenue sujet tabou. On pourrait dire qu’il montre ce que l’on ne saurait voir, ce que l’on considère comme abject, poussé à son paroxysme. On peut parler de photographie plasticienne car Serrano tente de rendre esthétique un sujet qui ne l’est – à priori – pas du tout, en ayant recours au clair-obscur. Il travaille avec cette matière : les corps des défunts, qu’il parvient à sculpter grâce aux jeux de lumière.
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Louis Jammes
Morgue, 1993. © Louis Jammes













Rendre compte de la mort n’est pas chose aisée. Rendre compte des morts l’est encore moins, comme nous permet de le constater The Dead, qui, à mon avis, s’en tire avec certes quelques bonnes œuvres, mais surtout avec le mérite d’avoir consenti à ce que l’art explore l’un des sujets les plus difficiles de la vie.
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Nan goldin dans son travail autobiographique fût confrontée à la mort de ses proches...



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Le suicide de sa soeur marque Nan Goldin au fer rouge et lui donne à ressentir la violence de l’absence, lAraki  Nobuyoshi

Dans son oeuvre foisonnante, multiple et névrotique, Araki, photographe japonais a croisé la mort plusieurs fois, mais c'est surtout le décès de son épouse Yoko , raconté au fil des jours sous la forme d'un journal intime qui est la plus marquante.
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Nobuyoshi Araki : Moi, la vie, la mort

«Observer la vie aussi bien que la mort enlacée dans la vie, ou la vie enlacée dans la mort,  c'est cela l'acte photographique.» (Nobuyoshi Araki)

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Franco Zecchin dont j'ai parlé dans un précédent article a photographié la mort en direct comme de nombreux photojournalistes, Stanley Greene en Tchétchénie, Mac Cullin pendant la guerre du vietnam ou Weegee dans les rue new yorkaises. Une photographie en forme d'upercut, les corps couchés et souvent ensanglantés représentent un aspect  plus violent de la mort.
Vietnam - 1968 © Don Mc Cullin
N'oublions pas la photo universellement connue de Robert Capa "Mort d'un milicien"
mort d'un milicien  © ®obert ©apa



«“Le seul bon Tchétchène est un Tchétchène mort.” Général Ermolov, 1812, soit près de cinquante ans avant que le général américain Sheridan ne dise la même chose des Indiens. » Grozny Janvier 1995.


«En Tchétchénie, la peur vous colle à la peau. Elle vous suit comme votre ombre. La mort est partout, traînant son odeur, ses sons, sa réalité. L'armée russe opère environ 400 postes de contrôle sur l'ensemble du territoire. Autant d'occasions pour des soldats peu formés et indisciplinés d'exiger des pots-de-vin à chaque passage. Les rues sont piégées, la mort arrive sans prévenir. Quand il s'agit de photographier l'événement, il n'y a aucun lieu sûr. Il faut être dedans.»





Plaie à vif

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Manuel Alvarez Bravo



© Manuel Alvarez Bravo



























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Quelques tableaux glanés en chemin, la peinture ayant, bien avant la photographie, servie à décrire la mort sous toute ses formes, guerres, meurtres, tragédie.......
Jerôme Bosch
" La Mort de l'Avare "


le triomphe de la mort de Pierre Bruegel

Fichier:Rembrandt Harmensz. van Rijn 007.jpg
Leçon d'anatomie du docteur Tulp de Rembrandt

Fichier:Francisco de Goya, Saturno devorando a su hijo (1819-1823).jpg
Saturne dévorant son enfant de Goya

Ce tableau fait référence à la mythologie grecque, où Cronos (Saturne dans la mythologie romaine), pour éviter que ne s'accomplisse la prédiction selon laquelle il serait détrôné par l'un de ses enfants, dévore chacun d'eux à leur naissance.


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Portait de Bush à partir des portrais des soldats américains morts en Irak
http://www.liberation.fr/culture/0101160639-photos-des-cliches-de-cadavres-meurtris-reposes-ou-emouvants-exposes-comme-un-cimetiere-en-grande-bretagne-la-mort-par-bravade-a-bradford


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Dans la revue "Terrain" (revue d'ethnologie d'Europe) datée de mars 1993 :


"Dans tous les cimetières observés, la photographie rend présents les défunts et manifestes les relations de réciprocité entre les vivants et les morts : elle sert d'opérateur pour réintégrer dans une structure métahistorique le groupe social déchiré par la mort.".....
....Parfois plusieurs photographies encadrées sont placées autour de celle fixée sur la pierre tombale. A Nicastro, à Sambiase et à Gizzeria, on ajoute à côté de la photographie la carte d'identité du défunt sur laquelle se trouve parfois épinglée l'image d'un parent proche – mari, enfant, etc. – qui a lui-même accompli le geste pour signifier un destin commun et sa fidélité à la mémoire du défunt......



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La mort

Pourquoi la mort de quelqu'un est-elle toujours une sorte de scandale? Pourquoi cet événement si normal éveille-t-il chez ceux qui en sont les témoins autant de curiosité et d'horreur? Depuis qu'il y a des hommes, et qui meurent, comment le mortel n'est-il pas habitué à ce phénomène naturel et pourtant toujours accidentel? Pourquoi est-il étonné chaque fois qu'un vivant disparaît, comme si cela arrivait chaque fois pour la première fois? Telles sont les questions que pose ce livre sur la mort. Dans chacun de ses ouvrages, Vladimir Jankélévitch a essayé de saisir le cas limite, l'expérience aiguë : à son point de tangence avec ces frontières, l'homme se situe à la pointe de l'humain, là où le mystère, l'ineffable, le "je-ne-sais-quoi", ouvrent le passage de l'être au néant, ou de l'être à l'absolument-autre. Il s'attache ici à analyser un évènement considéré dans sa banalité et dans son étrangeté à la fois, dans son anomalie normale, son tragique familier, bref, dans sa contradiction. "Si la mort n'est pensable ni avant, ni pendant, ni après, écrit Jankélévitch, quand pourrons-nous la penser?" Et il entreprend cette tâche périlleuse: conter l'inénarrable, décrire l'indescriptible.


L'Homme et la Mort


La mort est ce qui identifie l'homme à l'animal et ce qui l'en différencie. Comme tout être vivant, l'homme subit la mort. A la différence de tout être vivant, il nie la mort dans ses croyances en un au-delà. Edgar Morin dégage les attitudes fondamentales des hommes et des cultures à l'égard de la mort. Il examine l'horreur de la mort, le risque de mort, le meurtre, et les deux grands mythes originaires de la mort : celui de la survie et celui de la renaissance. Il dégage les croyances concernant la mort dans les grandes civilisations historiques pour en arriver à la crise contemporaine de la mort et aux nouvelles conceptions biologiques sur les relations entre vie et mort.


Antropologie de la mort
Louis-Vincent Thomas (1922-1994) est le premier anthropologue à avoir étudié systématiquement les rites et savoirs liés à la mort depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours


Notre société, violente et mortifère, est néanmoins caractérisée par le déni de la mort. Celle-ci nous obsède, car elle est notre unique certitude, mais en même temps nous faisons tout pour l?oublier. D?autres sociétés, notamment en Afrique, ont une attitude différente. Quelle est donc la place de la mort en Occident ? Quelle est celle des morts ? Comment accepter notre destin de mortel afin de mieux vivre ? De ce livre monumental, Daniel Roche a écrit, dans les Annales, qu?il « peut-être considéré comme l?un des guides indispensables à nos interrogations collectives ».


Dans une facture romanesque, différents auteurs abordent la mort par des chemins éloignés:
La mort est mon métierRobert Merle comme Primo Lévi évoque l'horreur de la shoah, une mort programmée qui nous met face à notre responsabilité d'être humain...

Vaste méditation sur la mort, cette épopée comique aux relents de cauchemar, construite dans le plus pur style de l'épopée picaresque à la Don Quichotte, nous entraîne avec une virulence de ton parfois diabolique dans un monde où les morts se monnayent et se négocient, quand les vivants eux prennent l'allure de grotesques fantômes. Univers fantasmagorique où le mensonge, le délire et la logique du rêve se télescopent.





Mort à crédit





" Ce livre [Mort à crédit] furieux, qui gronde, cataracte, frappe comme un bélier, on n'a jamais fini d'en faire le tour, de le mesurer. C'est une œuvre satanique, s'il est vrai que l'enfer n'est que la privation de l'espoir. C'est un grand "Non !" vociféré à toutes les questions que pose la vie. "
    " Céline, vous pourrez bien désormais dire et faire tout ce que vous voudrez. Vous avez donné une voix au désespoir humain. Une voix qui ne se taira plus. "


Pierre Scize, Ceux qui n'aiment pas CélineLe merle blanc, 19 septembre 1936.



 Mort à crédit est pour moi le bouquin le plus important de ce siècle. Parce qu'il contient toute la détresse de l'homme. A côté du cri de Céline, moi, je pousse des plaintes de chiot qui a envie de pisser. Lui, il l'a balancée sa clameur ! Elle est intacte, satellisée au-dessus de nous. On ne peut rien y toucher. C'est toute la misère de la vie, toute l'angoisse, toute la mort. C'est plein d'amour, c'est plein de pitié, c'est plein de colère, c'est plein d'éclairs, de mains tendues, de poings brandis, de mains tendues qui se transforment en poings. Et puis de désespoir. Parce que le désespoir, c'est la vie. Lui l'a su."


Frédéric DardJe le jure. Paris : Stock, 1975.



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Enfin le remarquable "Mourir" d'Arthur Schnitzler:

« Elle releva soudain les yeux, de grands yeux qui ne pleuraient plus. Puis elle se précipita vers lui, se cramponna à lui, le pressa des deux mains contre sa poitrine. Elle murmura : “Je veux mourir avec toi.” Il sourit. “Ce sont des enfantillages. Je ne suis pas si mesquin que tu le penses. Je n’ai au reste pas du tout le droit de t’entraîner avec moi. »


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La mort s'accompagne en musique:


«Évoquant la peine, le deuil ou accompagnant le disparu jusqu'à sa destination finale, la musique remplit une fonction rituelle attestée dans les sociétés les plus diverses pour devenir, dans le cadre de la culture occidentale, un champ majeur de création, et jusqu'à un certain point devenu autonome, qui a inspiré de nombreuses oeuvres et des chefs-d'oeuvre qui posent directement la question des rapports entre la musique et la mort.» (J. Lévy, «Les musiques et la mort», Frontières, vol. 20, n°2, 2007, p. 7)


Mozart, Cherubini, Berlioz, Verdi, Fauré, Duruflé, pour ne citer que les plus classiques, et plus près de nous Krzyztof Penderecki (1984), Roman Maciejewski (1960), Andrew Lloyd Webber (1984) présentent des requiem qui non seulement sont monumentaux mais invitent à la profondeur méditative, au retour réflexif sur la condition humaine, par le seul fait de leurs propositions musicales.» («Quand les mots manquent...Travail de deuil, rituel et musique»,Frontières, vol. 20, n° 2, p. 14)














Certains chanteur comme Georges Brassens s'empare du thème pour le détourner, le politiser lui donner une profondeur:
-la balade des cimetierres
-les croques morts améliorés
-mourir pour des idées
-Pensée des morts


et le grand Jacques bien sur:















Mc Solaar plus récemment avec "Armand est mort"


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A noter un site québécois "Encyclopédie sur la mort" qui répertorie de nombreuses informations sur les aspects culturels, philosophiques,sociologiques, bibliographiques ....






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Dans le foisonnement de la littérature jeunesse, on trouve quelques livres évoquant la mort avec plus ou moins de succès, dernièrement j'ai repéré ce très beau livre:

Au revoir blaireau

et celui-ci:


Dans « La visite de Petite Mort », Kitty Crowther donne à l’horrible faucheuse (image d'Epinal aussi vivace qu' effrayante) le visage d’un enfant. Et Petite Mort ne comprend pas, souffre de la peur, de l’immense incompréhension qui l’entoure, ce ne sont que visages fermés et corps transis de froid qui l’accueillent. Mais Petite Mort, un jour, rencontre une petite fille qui lui sourit…
Je ne vous en dirai pas plus… Ce livre est à lire, à regarder juste pour soi, avant de le partager avec des plus petits que soi. Vous risquez d’être étonné de son accueil auprès des jeunes lecteurs…



Claire en Suède © bertrand desprez
à bientôt............................

3 commentaires:

  1. « En parlant de la mort on a sauvé quelque chose de soi-même. »
    Emile Cioran


    Astucieux!

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  2. je viens pour une naissance et la mort est là aussi,
    garantissant sans aucun doute cette force sacrée qu'est la vie.

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